Coup d’État au Niger: première apparition du général Tchiani en tant que «président du CNSP»

ven, 07/28/2023 - 15:13

Le général Tchiani, chef de la Garde présidentielle nigérienne, a pris la parole ce 28 juillet 2023 à la télévision nationale en tant que « président du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie », un organe à l’origine du coup d’État. Il a justifié cette intervention contre le président Mohamed Bazoum par « la dégradation de la situation sécuritaire » dans le pays. Le CNSP a ensuite annoncé que « la constitution est suspendue » et que « les institutions issues de la constitution sont dissoutes ». L'Union européenne a condamné « fermement » vendredi ce coup d'État militaire et a menacé de suspendre « tout appui budgétaire » apporté au Niger. La France, elle, a déclaré ne pas reconnaître « les autorités issues du putsch ».

Le général Abdourahamane Tchiani, chef de la Garde présidentielle à la tête du coup d’État au Niger, a pris la parole ce 28 juillet 2023 sur Télé Sahel en tant que « président du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie ». Un CNSP qui a annoncé dans la nuit du 26 au 27 juillet mettre fin au régime du président Mohamed Bazoum.

« L’action du CNSP est motivée par la seule volonté de préserver notre chère patrie face, d’une part, à la dégradation continue de la situation sécuritaire dans notre pays – et cela sans que les autorités déchues ne nous laissent entrevoir une véritable solution de sortie de crise, d’autre part, la mauvaise gouvernance économique et sociale », a déclaré le général Tchiani.

Égrenant une liste « d’attaques meurtrières et traumatisantes », il a assuré que « l'approche sécuritaire actuelle n'a pas permis de sécuriser le pays en dépit de lourds sacrifices consentis par les Nigériens et le soutien appréciable et apprécié de nos partenaires extérieurs ».

Il critique une approche « qui exclut toute véritable collaboration avec le Burkina Faso et le Mali »

« Nous ne pouvons plus continuer avec les mêmes approches, jusqu’ici proposées, au risque d’assister à la disparition progressive et inéluctable de notre pays, a-t-il martelé. C’est pourquoi nous avons décidé d’intervenir et de prendre nos responsabilités. »

Le général Tchiani a également critiqué une approche qui, selon lui, « exclut toute véritable collaboration avec le Burkina Faso et le Mali, alors même que nous partageons avec ces deux pays voisins la zone du Liptako-Gourma dans laquelle se concentre aujourd’hui l’essentiel des activités des groupes terroristes que nous combattons ».

Il a poursuivi en demandant aux « partenaires techniques et financiers et amis du Niger d’appréhender la situation spécifique de notre pays pour lui apporter tous les soutiens nécessaires, afin de lui permettre de relever les défis ».

Niger: comment le général Abdourahamane Tchiani s’est imposé à la tête du coup d’État

Les discussions pour la désignation du général Abdouramane Tchiani ont été âpres, d’après les informations de notre correspondant régional Serge Daniel. Elles ont commencé hier au camp de la garde présidentielle qu’il dirige, à Niamey. Elles se sont poursuivies ce vendredi entre différents corps de l’armée, dans le nouveau bâtiment du palais présidentiel où des témoins ont remarqué un dispositif de sécurité renforcé. L’homme qui est désormais président du CNSP a été officiellement photographié au milieu d’autres hauts gradés de l’armée, comme s’ils lui faisaient allégeance.

Le général Abdouramane Tchiani est originaire de Tillabéri, dans l’ouest du Niger. Au sein de la « grande muette », son corps d’origine est l’armée de terre. Il a pris véritablement du grade avec le précédent président nigérien Mahamadou Issoufou, élu en 2011. Ce dernier l’avait nommé à la tête de la garde présidentielle. À son arrivée en 2021 au pouvoir, le Président Mohamed Bazoum va le confirmer à son poste. Le général Abdouramane Tchiani, à la tête d’une garde présidentielle composée de quelques centaines d’hommes bien équipés, a déjoué au moins un coup d’État sous Mahamadou Issoufou, et un autre à la veille de l’entrée en fonction du président Mohamed Bazoum en 2021. Le voilà auteur à son tour d’un coup d’État.

Les condamnations internationales se multiplient

 

Dans les minutes qui ont suivi cette allocution télévisée, le Conseil de l’Union européenne a répondu, via un communiqué de son Haut représentant Josep Borrell que « toute rupture de l’ordre constitutionnel aura des conséquences sur la coopération entre l'UE et le Niger, y compris la suspension immédiate de tout appui budgétaire ».

Le ministère français des Affaires étrangères a également réagi en annonçant que « la France ne reconnaît pas les autorités issues du putsch mené par le général Tchiani ». Il insiste: « Le Président Mohamed Bazoum, démocratiquement élu par le peuple du Niger, est le seul Président de la République du Niger. »

Pour le président kényan, « l'Afrique a subi un sérieux revers dans ses avancées démocratiques ». William Ruto a ajouté dans une vidéo : « Nous implorons toutes les parties à s'engager dans un discours constructif pour rétablir la paix dans cette nation fraternelle qui s'est fermement dressée comme un rempart contre le terrorisme et ses agents dans la région du Sahel. »

La constitution suspendue et les institutions dissoutes

À la mi-journée, le colonel-major Amadou Abdramane, qui avait déjà pris la parole dans la nuit du 26 au 27 juillet, est réapparu sur Télé Sahel pour mettre en garde contre « toute intervention militaire étrangère ».

Un peu plus tard, au travers d'un nouveau communiqué télévisuel, le CNSP a annoncé que « la constitution du 25 novembre 2010 est suspendue » et que « les institutions issues de la constitution du 25 novembre 2010 sont dissoutes ». Autres déclarations : « En attendant le retour à l'ordre constitutionnel normal, le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie exerce l'ensemble des pouvoirs législatifs et exécutifs » et le président du CNSP « est le chef de l'État et représente l'État du Niger dans les relations internationales ».

 

RFI