L’application de la loi incriminant les pratiques esclavagistes : une ancienne victime raconte

jeu, 02/10/2022 - 00:06

Habillé d'un léger boubou bleu et enfilant son turban noir sur sa tête, M....est assis sur une chaise, dans son commerce de vente d’habits et chaussures, à ses côtés son fils et son neveu. Tous d’anciens esclaves. 

 « Mon unique fils et mon neveu avions tous vécu sous le joug de l’esclavage pendant des décennies. Le travail difficile, les injures, les humiliations, l'impossibilité de quitter le maître... C'est le résumé de notre vie », dira M...., 69 ans, dont l’unique fils vient de franchir la vingtaine et n’ayant jamais eu la chance d’aller à l’école ni d’apprendre le coran.

« Durant toutes les sombres années que nous avons vécu, on n'a pas pu fuir », dit-il. « C’est avec la politique de la lutte contre l’esclavage et ses séquelles et la contribution de certains organisations et associations de défense des droits humains qu’on a trouvé notre liberté », précise ce vieil homme.

C'est aussi « là-bas », chez ses « anciens maîtres », qu’il dit avoir reçu les rudes épreuves de sa vie dont il porteencore  les traces. « En 2016, nous avions trouvé refuge à Nouakchott dans une famille avant de monter ce projet pour vivre dignement. Et, c’est grâce à mes revenus que j’ai pu inscrire mon fils et mon neveu qui sont tous deux de orphelins dans une mahadra et un centre de formation en informatique ».

A propos de notre libération, tout a commencé lorsqu'une plainte a été déposée devant une instance juridique, avec le soutien de quelques défenseurs des droits de l’homme et une association pour la « promotion des droits humains », dont les responsables sont essentiellement courageux et ils se sont sacrifiés pour notre cas..

« Nous estimons que les autorités publiques et les défenseurs des droits humains ont entrepris une lutte efficace dans l’éradication de l’esclavage et ses séquelles », explique M......

« La mise en place des tribunaux et des moyens pour réprimer les auteurs des pratiques esclavagistes sont efficaces. L’application des lois dans ce domaine a permis de franchir des pas importants même s’il y avait une certaine lenteur dans la gestion et le traitement des cas suspects », affirme-t-il.

«Nous n’étions pas payés. Nous travaillions beaucoup et dur que nous le voulions ou pas. Nous ne pouvons pas quitter le village. C'était rude ».

Nous étions soumis aux ordres d’un homme et toute sa famille sans notre consentement, par contrainte », commente-t-il. Alhamdoulilahi, tout ce calvaire est devenu un mauvais souvenir et la vie c’est des expériences, note cet homme à la tête blanche mais avec un bon moral.

Au passage, il salue tout le travail accompli par l’Etat mauritanien, des membres des associations et ONG qui ont fait de la défense des droits de l’homme un objectif et une priorité.

Poursuit-il, « nous sommes devenus des militants des droits humains et nous luttons dans ce cadre ».

Interrogé sur l’esclavage, ses séquelles et les violations des droits de l’homme, une source judiciaire qui a préféré gardé l’anonymat, a précisé qu'il ne faut pas confondre « liens sociaux et esclavage », car «si certains acceptent ces liens et cohabitent un peu en harmonie avec les parents nantis pour des raisons ou autres et qu’ils ne vivent pas des pratiques esclavagistes, on ne doit pas dire qu’ils sont esclaves ».

« On ne peut encourager l’esclavage parce qu’il est puni par la loi en Mauritanie », affirme cette source.

Il précisa que des preuves sont très claires que des organisations et associations comme AFCF, ont lancé à travers le pays des campagnes de plaidoyer pour l’applicabilité de la loi contre ce fléau et la redynamisation pour la mise en place des tribunaux pour le traitement des cas d’esclavage.

En plus des campagnes de sensibilisation avait sillonné les hameaux, les tentes, pour porter le message afin de finir avec ses séquelles et toutes les formes de pratiques néfastes et la pauvreté.

Les lois et conventions signées par la Mauritanie dans la lutte contre l’esclavage et ses formes

La Mauritanie a également ratifié les instruments régionaux suivants : la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (qui interdit l’esclavage), le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples sur les droits des femmes en Afrique, et la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant. Au niveau national, la Mauritanie a voté sa loi contre l’esclavage de 2007, qui autorisait la poursuite et la condamnation des maîtres d’esclaves.

Bien que la loi de 2007 ait désormais été remplacée par une nouvelle législation anti-esclavage approuvée en août 2015, toutes les études de cas considérées dans ce rapport ont été présentées sous la loi de 2007 et c’est la non-application de cette loi qui constitue le cœur de ce rapport. En 17 articles, la loi donne une définition basique de l’esclavage et interdit la discrimination sur la base du statut d’esclave.

Elle prévoit une peine de 5 à 10 ans d’emprisonnement et une amende de 500 000 à 1 000 000 d’ouguiyas, pour un délit d’esclavage. Elle prévoit plusieurs autres délits relatifs à l’esclavage, comme par exemple le délit de priver un enfant esclave d’un accès à l’éducation, le délit de forcer une femme esclave à se marier ou de l’empêcher de se marier, le délit de produire une œuvre culturelle ou artistique faisant la promotion de l’esclavage, et le délit de violer l’intégrité physique d’un esclave.

Plus important encore, la loi prévoit des sanctions pour tout fonctionnaire qui « n’enquête pas sur des dénonciations de pratiques d’esclavage qui lui sont rapportées ».