Birmanie: l'ONU dénonce le «bain de sang»

mer, 03/17/2021 - 13:23

Des habitants de Rangoun ont fui, mardi 16 mars, un quartier en proie à de violents affrontements, tandis que des familles de manifestants pro-démocratie enterrent leurs morts après le « bain de sang » – dénoncé par l'ONU – de ces derniers jours en Birmanie. Selon les ONG sur place, plus de 180 civils ont été tués par les forces de sécurité depuis le coup d'État du 1er février contre Aung San Suu Ky.

C’est un bilan qui s’est considérablement alourdi depuis le dimanche 14 mars : 74 manifestants sont morts lors de cette journée sanglante, 20 autres hier. Aujourd’hui, des habitants de la banlieue industrielle de Hlaing Tharyar, près de Rangoun, là où se trouvent un grand nombre d’usines textiles, ont fui le quartier. La loi martiale y a été décrétée dimanche après l’incendie d’une trentaine d’usines chinoises prises d’assaut par des manifestants. 

Colère contre Pékin

La colère contre Pékin s’est intensifiée ces dernières semaines, un grand nombre de manifestants estimant que la Chine n’est pas suffisamment ferme vis-à-vis des généraux birmans. La Chine s’est déclarée « très préoccupée » pour la sécurité de ses ressortissants et a demandé aux autorités de prendre des mesures pour « éviter résolument que de tels incidents ne se reproduisent ».

Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a dénoncé, par l'intermédiaire de son porte-parole, Stéphane Dujarric, un « bain de sang ». Il a également appelé la communauté internationale, « y compris les acteurs régionaux, à se rassembler en solidarité avec le peuple birman et ses aspirations démocratiques ». Actuellement, toute personne interpellée dans les cinq cantons de Rangoun, où la loi martiale a été instaurée, risque d'être renvoyée devant un tribunal militaire, avec une peine minimale de trois ans de travaux forcés.

Par le biais de sa porte-parole Ravina Shamdasani, le haut-commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme a appelé l'armée birmane à « cesser de tuer et de détenir des manifestants », lors d’une conférence de presse mardi 16 mars à Genève.

En une semaine, le nombre de victimes a augmenté en Birmanie. Les forces de sécurité ont utilisé des moyens de plus en plus meurtriers contre les manifestants pacifiques, ils ont continué à procéder à travers tout le pays à des arrestations et des détentions arbitraires. Des rapports très inquiétants font état d'actes de torture en prison. Des centaines de personnes qui ont été illégalement détenues sont toujours portées disparues, sans que cela soit reconnu par les autorités militaires, ce qui équivaut à des disparitions forcées. Les arrestations et les détentions se sont poursuivies dans le pays, plus de 2084 personnes sont en détention arbitraire. Au moins 37 journalistes ont été arrêtés, parmi eux 19 sont détenus arbitrairement. Au moins 5 personnes sont décédées en prison ces dernières semaines, et au moins deux corps de victimes portent des traces de violences qui s'apparentent à de la torture. Nous sommes profondément inquiets de constater que la répression s'intensifie, et nous réitérons notre appel aux militaires de cesser de tuer et de détenir des manifestants.

L’ONU «s’inquiète de constater que la répression s’intensifie» en Birmanie, avec des «meurtres» et de la possible «torture»

Les prix flambent

Les prix des denrées alimentaires et de l'essence flambent en Birmanie depuis le coup d'État militaire, risquant d'aggraver les conditions de vie des plus vulnérables, s'est alarmé mardi le Programme alimentaire mondial (PAM).

Car la Birmanie fait face à une inflation depuis la crise politique. Le prix de l'essence y a bondi de 15%, Dans la région de Rangoun, la capitale économique, l'huile de palme est 20% plus chère. Stephen Anderson, qui dirige l'antenne du PAM dans le pays, craint l'aggravation d'une situation déjà difficile.

Même avant le coup d'État, près d'un million de personnes en Birmanie avaient besoin d'une assistance humanitaire. Si la situation continue comme cela, nous savons que les plus pauvres rencontreront beaucoup, beaucoup de difficultés, en particulier dans les zones urbaines. Les habitants des villes faisaient déjà face aux conséquences sociales et économiques du covid-19. Beaucoup d'entre eux avaient perdu leur travail, ou dû changer leur mode de vie. Dans des villes comme Rangoon, les habitants des quartiers pauvres sautaient déjà des repas ou diminuaient les quantités de nourriture. Certains empruntaient de l'argent juste pour acheter à manger et les envois de devises de l'étranger déclinaient. Depuis le coup d'État, le prix des denrées augmente et ces mêmes personnes vont rencontrer encore plus de difficultés. Ce que nous redoutons, c'est une montée de l'insécurité alimentaire et de la malnutrition.

 

 

RFI