Mauritanie: le mardi de la peur !

mer, 03/08/2017 - 00:33

 S'agit-il du mardi de tous les dangers ou simplement d'un jour de grande peur; peur qui restera sans conséquences? Cette interrogation se retrouve sur les lèvres de tous les observateurs de la scène politique en Mauritanie.

C'est aujourd'hui que l’Assemblée nationale examine en séance plénière, les réformes constitutionnelles proposées à travers les résolutions des assises d’un dialogue politique organisées du 29 septembre au 20 octobre 2016. Des assises boycottées par l’essentiel de l’opposition historique. 

Du reste, partant du principe «que tout comme la nature, le champ politique a horreur du vide», l’opposition a décidé d’investir le terrain de la contestation pour faire échec aux desseins du pouvoir. 

Ainsi, lundi, les responsables du Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU, un collectif formé de partis politiques, d'organisations de la société civile, de centrales syndicales et de personnalités indépendantes) sont descendus dans la rue.

Parmi eux, Mohamed Jémil Ould Mansour, le leader de Tawassoul, courant islamiste modéré. 

Les dirigeants du FNDU étaient dans la commune d’Arafat (proche banlieue de Nouakchott) ce lundi «pour sensibiliser et mobiliser les citoyens contre la mutilation de la Constitution» avec des réformes opérées «dans un contexte politique tendu», selon une déclaration de la mouvance islamiste publiée lundi soir.

La délégation du FNDU a appelé à une sortie massive des citoyens pour un sit-in devant l’Assemblée nationale ce mardi 7 mars. Une marche suivie d'un meeting est également annoncée pour le samedi 11 mars.

Le ton monte aussi du côté du Rassemblement des forces démocratiques (RFD), un grand parti de l’opposition. Dans une déclaration rendue publique lundi soir, les amis d’Ahmed Ould Daddah, plusieurs fois candidat malheureux à une élection présidentielle, appellent à une manifestation devant la chambre basse du Parlement au moment de la séance plénière. 

Celle-ci s’inscrit «dans le cadre des activités visant à faire échouer les tentatives de tripatouillage de la Constitution opérées par le pouvoir dans des conditions exceptionnelles».

Désormais, le vent de la contestation s’étend jusque dans la majorité, au sein de laquelle des voix s’élèvent pour dire «non» aux réformes constitutionnelles portées par le pouvoir.

Ainsi, citant des sources bien informées, le site Adrar info soutient que «certains sénateurs de la majorité ont refusé de répondre à une invitation du président Mohamed Ould Abdel Aziz» qui proposait de les recevoir lundi. La quasi-totalité des 56 élus du sénat de Mauritanie est issue de la majorité présidentielle. Mais une série de défections dans leurs rangs risque de plomber les chances d’un oui avec les 2/3 des voix exigées par la procédure pour valider le vote du oui.

C’est pourquoi, selon le même site, le parti du président est passé outre en menaçant directement les députés qui ne voteraient pas pour le triomphe du «oui». «Si vous ne votez pas pour les amendements constitutionnels, nous dissoudrons, en moins de 24h, le Parlement», a averti Sidi Mohamed Ould Maham, président de l’Union pour la République (UPR), le parti du président Mohamed Ould Abdel Aziz, lors d’une rencontre avec les députés du parti, boycottée d’ailleurs par une majorité d’entre eux.

Du coup, une partie de l’opinion se met à rêver d’une réédition du 23 juin 2011. 

Cette date référence dans l’histoire récente du Sénégal voisin renvoie à une forte mobilisation de la rue pour faire barrage à un projet de «braquage constitutionnel» nourri par une volonté de dévolution dynastique du pouvoir de la part du président Abdoulaye Wade, qui renonçât à le soumettre à sa majorité mécanique devant une menace de révolte populaire.

Toutefois, dans le cas de la Mauritanie, pays qui gémit depuis une quarantaine d’années sous les bottes d’une oligarchie militaire, la réalité incite à la prudence. Les citoyens n’ont pas la culture de la contestation au-delà des salons, c'est-à-dire dans la la rue, avertit un observateur. Une manière très subtile de mettre un gros bémol à la comparaison.

Par notre correspondant à Nouakchott Cheikh Sidya 

Le360