
Lorsque j’ai entendu le président déclarer avec fermeté :
> « Aucun corrompu n’échappera à la justice, et nous ne faiblirons pas ! »
j’ai cru, l’espace d’un instant, que la Mauritanie s’apprêtait à entrer dans un âge d’or de probité et de justice.
Mais avant même que l’écho des applaudissements ne s’éteigne dans ma tête, un autre souvenir est revenu : celui d’une promesse ancienne, formulée d’une voix tout aussi ardente :
> « Je ne laisserai personne au bord de la route. »
Aujourd’hui, après tant d’années et de discours, je constate que les corrompus continuent de passer en voitures luxueuses sur cette même route… en saluant de la main les pauvres qu’on y a laissés depuis les premières promesses.
La formule « Aucun corrompu n’échappera à la justice » ne semble s’appliquer qu’aux petits délinquants : ceux qui ont volé un mouton d’un projet agricole ou vendu quelques tonnes de poisson avant signature. Les grands, eux, sont protégés par le respect mutuel qui lie le pouvoir et la corruption ! Leur audition est toujours « reportée jusqu’à nouvel ordre », et leurs dossiers dorment dans des tiroirs en attendant la fameuse « révision politique générale » — celle qui se conclut, bien souvent, par une amnistie… ou une nouvelle nomination.
Quant à ceux qu’on avait promis de ne pas « laisser au bord de la route », ils y sont toujours : ils vendent des cigarettes et du poisson séché sous une grande pancarte où l’on peut lire :
> « Projet de lutte contre la pauvreté. »
Certains espèrent encore qu’un véhicule de l’État s’arrêtera pour les emmener vers un emploi digne. Mais ces véhicules passent en trombe — leur chauffeur se rend à une réunion d’urgence sur « la stratégie d’inclusion des pauvres dans le développement durable ».
La corruption dans notre pays ressemble à un jeu de chaises musicales : chaque fois que la musique s’arrête, un corrompu s’assoit sur un nouveau siège, seule l’étiquette du ministère change. Le peuple, lui, reste le public qu’on invite à applaudir — sous peine d’être accusé de manquer d’« optimisme envers le processus de réforme ».
Ironie du sort, les plus virulents contre la corruption sont souvent ceux qui ont grandi dans son ombre. Et quand on leur demande : « Où est la réforme ? », ils répondent avec un large sourire :
> « Elle continue, mon frère, il faut juste être patient ! »
Comme si la patience était devenue une politique publique plutôt qu’une vertu morale.
Nul ne nie la chaleur patriotique des discours présidentiels, mais la ferveur des mots ne suffit pas à cuire la justice. Le peuple ne réclame pas des promesses ardentes, mais des décisions qui brûlent les mains des corrompus — non les oreilles des citoyens.
Le pays est las de ces refrains usés : « la nouvelle ère », « la nouvelle approche », « le nouveau cap » — alors que le seul véritable changement réside dans l’art de justifier l’échec.
Peut-être est-il temps d’entendre une promesse différente :
> « Nous laisserons les corrompus au bord de la route… et nous conduirons les pauvres vers les sièges de la dignité et de la justice. »
Ce jour-là seulement, il ne sera plus nécessaire de rappeler les anciennes paroles : la route sera commune, et la justice atteindra chacun — non par favoritisme, mais par équité.














