Mauritanie/Fuite de gaz du GTA : "BP n’est pas prête à accomplir sa mission", selon les OSC actives dans le domaine de l’environnement

ven, 03/14/2025 - 00:42

« L’incident des fuites de gaz du puits AO2 des installations du projet Grand Tortue Ahmeyime (GTA). C’est sous ce thème qu’une dizaine d’organisations de la société civile actives dans le domaine de l’environnement ont tenu, jeudi 13 mars 2025, une conférence de presse dans les locaux de la plateforme des Acteurs Non étatiques à Nouakchott.

Etaient présents des présidents des OSC, des représentants de la plateforme des acteurs Non-étatiques et des invités.

A cette occasion, un documentaire projeté a édifié l’assistance sur la fragilité de l’écosystème de la zone d’exploitation du Champ gazier du GTA. Et, il a été noté que l’exploitation gazière constitue sans doute une menace réelle sur la biodiversité marine, aux populations locales et à la pêche.

Selon un expert scientifique de l’Institut Mauritanien de Recherches Océanographiques et des Pêches (IMROP) qui s’est exprimé dans le documentaire, le ministère de l’environnement avait commencé à réfléchir entre 2012 et 2019 sur un programme consistant à la mise en place d’un suivi pour collecter des informations pour se préparer en cas de situation sur l’environnement marin.

De ce fait, il fallait procéder à une série d’analyses pour faire un état de référence entre 2012 et 2017 et cela dans le but de pouvoir vérifier d’éventuels changements écosystémiques.

Par une meilleure maitrise de la situation, un suivi de la diversité en haute mer avait aussi été financé par des entreprises pétrolières.

Et, il a souligné que toutes les informations recueillies au cours de ces dernières années sont accessibles dans un Atlas et elles sont accessibles.

Précisant que cette œuvre entre dans le cadre d’un programme de recherche de la FAO et du projet "Biodiversité Gaz et Pétrole".

Rappelant , qu’en 2021, l’IMROP a poussé une étude indépendante d’évaluation d’impact environnemental concernant le projet GTA. Il s’agit d’une étude indépendante de celle de la société British Petrolum (BP). L’étude a été menée en collaboration avec une équipe d’experts et spécialistes norvégiens.

Ces découvertes ont fourni des données fournies par BP et la zone en question abritait une biodiversité exceptionnelle avec notamment un récif actif de 600 m de long et 60 m de hauteur. Et, une chaine de monticules de récifs et autres êtres qui étaient vivants et non des récifs morts comme l’avait affirmé l’étude de BP. 15 à 30% de ces récifs étaient vivants côté mauritanien et côté sénégalais 50% de ces récifs étaient vivants.

Pour terminer, l’Expert de l’IMROP a invité le gouvernement de toujours prendre en compte toujours l’avis des experts scientifiques dans ses décisions afin d’éviter des situations troublantes.

Plusieurs jours après la fuite de gaz des informations contradictoires ont commencé à circuler de part et d’autre. Cependant du côté de BP aucune importance n’a été donnée à l’incident et on affirme que la situation est sous contrôle. Pour le ministère du pétrole on assure que la fuite a été colmatée au niveau du puits 02, contrairement aux acteurs de la société civile, rien de tout cela et les choses traînent.

Interventions des participants : 

Les différents représentants des organisations de la société civile, ont affirmé dans leurs interventions avoir mis en place un comité de suivi et pris le temps de monter une expertise scientifique avant de faire face à la presse et d’informer l’opinion publique.

Selon l’un des intervenants l’incident du GTA n’est pas le premier du genre qui secoue BP. Un incident du genre s’est produit en 2010 dans le Golfe du Mexique et BP avait débloqué un montant de 20 milliards de dollars versés au trésor américain. Pour les ONG de la société civile mauritanienne BP n’a pas tenu compte de ces recommandations. Les intervenants parlent de négligence et de rétention de l’information de la part de BP.

En somme, ils ont tous dénoncé le silence de la société BP et l'absence de la communication de la part des autorités sur la réalité des faits qui peuvent engendrer une pollution dans le milieu marin.

Pour que ce fait ne se reproduise plus....

Par la suite, ils ont rendu public un communiqué dans lequel, ils demandent aux autorités mauritaniennes de prendre ses responsabilités et de diligenter un audit indépendant pour évaluer les impacts environnementaux de cette fuite de gaz au niveau du GTA.

Pour rappel, la fuite de gaz a été annoncée par la major britannique le 19 février dernier.

Par A. SIDI

Texte du communiqué rendu public

« Nous, organisations de la société civile actives dans la préservation de la biodiversité marine et côtière en Mauritanie, signataires du présent communiqué, avons décidé d’organiser cette conférence de presse pour exprimer et justifier notre vive inquiétude par rapport à l’incident de fuite signalé au niveau de l’un des puits du projet Grand Tortue Ahmeyim.

Nous déplorons la relative discrétion de la compagnie BP dans les premiers temps de l’incident. La communication minimale de l’entreprise a suscité un grand nombre d’inquiétudes qui ont malheureusement été confirméesquandnousavonsapprisqu’ilavaitfallu10jourspourdisposer des moyens d’interventions sur site. Aujourd’hui, encore 13 jours plus tard, ces moyens n’ont toujours pas pu être mis en œuvre pour colmater le puits.

Nous ne sous-estimons pas la difficulté d’intervention aux grandes profondeurs où se situent l’accident, mais nous regrettons vivement que la compagnie BP n’ait pas fait montre d’une meilleure communication et d’une plus grande transparence vis-à-vis des parties prenantes locales et même internationales.

L’histoire du développement des hydrocarbures offshore dans la sous- région a permis aux pays concernés et notamment la Mauritanie de disposer de l’appui d’une communauté scientifique qualifiée, pour guider le déploiement de la lutte la plus adéquate avec le moins d’impact, sachant que les compagnies pétrolières ont souvent recours aux dispersants pour éviter que la pollution atteigne le littoral et qu’elles soient plus visibles des observateurs, des populations résidentes et des médias.

Nous constatons ainsi, avec grande consternation, que BP n’a pas pris en considération les recommandations de la Commission d’Enquête sur Deep water Horizon au sujet des bouchons de puits (capping stacks) et des moyens d’intervention immédiats qui devraient être disponibles sur place, pour éviter qu’un puits ne devienne incontrôlable-surtout en présence de condensats et de pétrole brut.

Et c’est le lieu pour nous, de formuler les recommandations suivantes pour éviter que de tels incidents n’arrivent et pour travailler ensemble dans l’intérêt général :

Par rapport à cet incident et conformément aux cadres légaux en vigueur en Mauritanie et auxquels la compagnie BP est soumise :

Il serait absolument nécessaire

-de diligenter un audit indépendant pour évaluer les impacts environnementaux réels de cette fuite (recommandations du Panel Pétrole 2009 en de pareilles circonstances ;

-de mettre en place une procédure de reporting quotidien sur l’évolution de l’incident (cf. Plan POLMAR et politique sectorielle au niveau des hydrocarbures) ;

- de partager toutes les images satellites de la fuite disponibles, sur lesquelles la société civile voudrait faire ses propres analyses pour évaluer la quantité de gaz qui est échappée du puits (cf. l’Initiative de Transparence des Industries Extractives) ;

- d’informer l’opinion sur les actions déployées pour contenir la fuite et pour minimiser les risques pour la faune et la flore marine.

Pour le moyen et le long terme (et ce conformément au Guide des Meilleures Pratiques auxquelles se réfère la compagnie bp dans ses études d’impact) :

-Mettre en place un Conseil Consultatif des Citoyens constitué des OSC actives sur le littoral et des représentants des communautés côtières pour cogérer, avec la compagnie BP et les autorités, les situations de crises ;

-Développer et mettre en œuvre un plan de surveillance pour prévenir tout impact du GTA sur ces écosystèmes sensibles ;

-Ratifier le protocole de la convention d’Abidjan relatif aux installations pétrolières et gazières offshore ;

-Organiser des cycles de formation pour la société civile afin de renforcer leurs capacités et leurs connaissances ;

-Valoriser     et       divulguer    les     connaissances       scientifiques         qui doivent absolument être un outil d’aide à la décision pour toutes les parties prenantes (Gouvernements – Société Civile – Compagnies pétrolières) ;

-Réaliser des études de recherche scientifique vers la zone sud qui ne dispose pas de data (données) pour mieux la connaître (sa vulnérabilité, sa richesse. etc) et mieux la protéger.

-Améliorer la communication des parties prenantes et respecter le droit à l’information des citoyens – sans oublier les partenaires au développement des pays de la sous-région.

-Mettre en place un programme de réparation et de compensation pour les dommages causés à l’environnement.

Fait à Nouakchott, le 12 mars 2025

Les signataires