Note d’information, novembre 2024
Le châtiment
Par communiqué en date du 1er octobre 2024, le Conseil des ministres annonce, sans autre forme
d’explication, qu’« Il est mis fin aux fonctions d’Ahmed Samba Abdellahi Samba, inspecteur Général
des Finances ». Dans la foulée, la gendarmerie procède à l’arrestation du susdit. Le lendemain, une
marche de soutien au détenu se déroulait, en pleine capitale Nouakchott, à l’Esplanade de la liberté.
Aussitôt dispersée sous la contrainte des forces de maintien de l’ordre, elle se solde par de nouvelles
interpellations et des voies de faits aggravées à l’endroit du rappeur et influenceur Omar Ould Ali Ould
Sidi dit Big Oms Rim. Ce dernier, d’abord gardé en observation aux urgences médicales, put regagner
son domicile, porteur d’hématomes et d’ecchymoses, stigmates d’une agression violente. Des appels
à l’aide de ses amis font valoir le besoin de l’évacuer à l’étranger afin qu’il y bénéfice de soins à la
mesure de sa détresse. Maints témoins oculaires et quelques images de la scène de molestation
attestent d’un acharnement délibéré, de la police, à l’encontre de l’artiste.
La faute
Durant la dernière semaine du mois de septembre 2024, des audios attribués à Ahmed Ould Samba,
circulent sur les plateformes de messagerie instantanée. L’auteur s’y livre à une critique en règle de la
gouvernance du moment, notamment du point de vue des inégalités au sein de la fonction publique,
dysfonctionnement dû, selon lui, à la banalisation des privilèges de naissance. Le propos, n’épargne ni
le gouvernement ni le Président de la République, qu’il va jusqu’à soupçonner de complicité avec le
narcotrafic. Enfin, il dévoile les mécanismes de détournements, de prébende, de prévarications et de
préférence privée, lors du recrutement et de la promotion des hauts cadres de l’Etat. En outre, il décrit
une corruption généralisée au cœur de l’appareil d’Etat. Le grief ainsi énoncé s’attarde sur la racisme
et l’exclusion dont sont victimes les descendants d’esclaves, au profit de leurs anciens maîtres araboberbères.
L’arbitrage
Curieusement, les allégations de blanchiment du commerce de la drogue, quoique nominales, donc
justiciables des chefs de diffamation et de dénonciation calomnieuse, n’ont pas été retenues aux
dépens de Ahmed Ould Samba. Seuls l’atteinte à la loi sur l’immunité des symboles de l’Etat et la
commission d’un délit de cybercriminalité figurent à l’acte d’inculpation, comme si les autorités
voulaient, d’emblée, éviter un sujet à risque où elles pourraient se retrouver en difficulté. Avant la
tenue d’un éventuel procès, les avocats du prévenu ont déposé un recours en annulation devant le
Conseil Constitutionnel (Cc), arguant l’incompatibilité, à la loi fondamentale, du premier motif de
poursuites qui sanctuarise la réputation des dirigeants. D’ici une décision du juge d’ultime ressort, Ould
Samba demeure en détention préventive. Or, l’hypothèse de sa soustraction volontaire à la justice
paraît de peu de vraisemblance.
Observations
Le cas Ahmed Ould Samba révèle, en Mauritanie, le cumul de quelques réalités encore taboues, malgré
leur récurrence. Sans prêter crédit à la mise en cause de la probité pénale du chef de l’Etat et de ses
collaborateurs, il convient de noter combien le fonctionnaire limogé ne sacrifie nullement à
l’exagération, quand il démontre l’ethnicité du système de répartition des faveurs. Il dit l’ampleur du
partage, quasi exclusif, des postes de contrôle et de décision parmi les actionnaires de l’oligarchie
maure et ce en vertu d’une captation tribale du commandement, du prestige et de la richesse, depuis
le renversement du pouvoir civil, le 10 juillet 1978.
Aussi, les circonstances précitées confèrent-elles, à Ahmed Ould Samba, le statut d’un lanceur d’alerte,
en danger. A ce titre, son sort social et l’intégrité de sa personne interpellent tous les Mauritaniens et
les partenaires stratégiques du pays.
Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste en Mauritanie (Ira-M)
Lanceurs d’alertes associés-Mauritanie (Laarim