La récente initiative lancée par l’Union Nationale du Patronat Mauritanien (UNPM) visant à
Promouvoir une « charte pour la rationalisation des cérémonies de mariage a provoqué une onde de
chocs de critiques terribles. Simplement parce que cette initiative soulève de très nombreuses
questions. Comme l’a dit le quotidien de Nouakchott dans sa publication du 30 août 2024, « le
débat a été très houleux tant sur le contenu de l’initiative que sur sa légitimité même. ».
De toute évidence, cette démarche initiée par le Chef des chefs de toutes les composantes du
Patronat sort cette honorable institution du balisage de sa mission.
Le jeune homme d‘affaires, issu de la Wilaya de l’Assaba, qui a fait le plein de ses poches de sous
dans l’informatique, le Système bancaire, le BTP, l’Equipement, l’Hydraulique, l’Energie,
l’Equipement Médical , la Voierie, la Téléphonie fixe et mobile, le foncier et l’agroalimentaire se
tourne maintenant vers le matrimonial.
Zeine El Abidine, le président du Patronat Mauritanien suggère à 50 jeunes de se marier et il promet
à chacun de ces heureux élus du mariage à la « « loterie », une enveloppe d’un million d’ouguiyas
pour les charges récurrentes de cette union pour le meilleur et pour l’argent.
La proposition du patron des patrons, véritable rêve de fée, nous rappelle cette série téléréalité
« Fort Boyard » proposée par une chaine de télévision française où des équipes souvent mixtes -
(garçons et filles)-, s’affrontent dans des épreuves pour gagner le gros lot.
Sauf qu’ici, chez nous, cette partie inédite va « unir » cinquante filles à 50 garçons pour une partie de
plaisir, avec une sortie de nuits de noces honorable ; un emploi garanti, un million par couple pour
l’équipement ménager et pour les petits caprices de ces couples de l’époque « Tik Tok et Instagram.
En somme, le rêve de tout jeune.
Pour l’un de nos confrères, « l’UNPM, en tant qu’organisation représentant les intérêts des
entreprises et des employeurs, n’a pas pour vocation de s’immiscer dans les aspects culturels ou
religieux de la société ». Et il ajoute : « Le texte de cette charte est non seulement mal écrit, mais
aussi trop vague pour avoir une quelconque valeur contraignante ».
Peut-être que cette charte n’a aucune valeur contraignante, mais elle a quand même une valeur
alléchante. Très alléchante même. C’est du jamais vu dans un pays où le mariage est parfois, pour les
grands comme pour les petits, plutôt une « partie de plaisir » dont la durée ne peut jamais être
déterminée et cette durée dépend de la bonne humeur de l’un ou de l’autre des éléments du
couple.
C’est quand même curieux. Curieux que ce soient les hommes d’affaires, dont les filles et les garçons
se marient à coups de dizaines de millions, dont des millions pour une artiste vedette, des millions
pour le clip des mariés, des millions pour les gordiguènes et dont les enfants souvent en « mal de
sexe », passent leurs nuits de miels à Istamboul, Las-palmas, Doha ou Qatar, qui appellent à la
retenue dans les dépenses des mariages !.
« Mariez-vous ! on paye la facture ».
Comment donc le Patronat compte s’y prendre pour que « sa récompense » soit dissuasive dans un
pays comme le nôtre, pays qui a toujours connu une forte instabilité dans les mariages ? Parce qu’il
ne faut pas oublier que, ( selon une étude réalisée par le démographe Mohamed Lemine Salem Ould
Mouch’taba en mars 2002), dans ce pays musulman, 37,2% des premiers mariages finissent par
être rompus, et 18,7% de ces mariages dont la durée de vie en couple est moins de 5 ans, finissent
par un divorce.
La Mauritanie est le pays dont le taux de divorce est le plus élevé du monde arabe. Est-ce que c’est
ce constat qui a poussé les hommes d’affaires à essayer de jouer au « boomerang » avec notre
argent (souvent mal acquit), pour lancer des jeunes dans ce mariage standard, une véritable
aventure à multiples inconnues ?
Pour le professeur Lô Gourmo, dans la plupart des cas, l'argent " outrageusement gaspillé" lors des
cérémonies de mariages et autres frivolités, y compris les montants faramineux de la dot, n'est pas le
fruit du travail de ceux qui le dilapident ».
L’éminent avocat considère que l’argent investi dans les mariages est généralement « de l'argent
volé au peuple par les mille et un moyens que permettent le statut social surélevé et les
connections aux réseaux de corruption, de trafic d'influence, de détournement de deniers publics,
d'abus de biens sociaux, de blanchiment en tous genres, d'accaparement et de spoliation des biens
d'autrui, sur fond de marchés trafiqués et monopolisés et de justice tenue en laisse par les mêmes
mafieux qui en tirent les ficelles »..
Les constats faits par le professeur Lô Gourmo, se marient bien avec le constat fait par l’Artiste
intellectuelle de renommée Tahra Mint Hembara, technocrate, sociologue et politologue.
Quand une artiste se démarque du mariage incitatif.
Pour Tahra Mint Hembara, sociologue, « le mariage n’est pas la priorité des jeunes Mauritaniens
qui exposent depuis des mois leurs vies à tous les risques et périls, en se portant candidat à
l’aventure dangereuse de l’immigration illégale ou en parcourant des centaines de kilomètres dans
l’espoir de sauter le mur mexicain ». Tahra Mint Hembara, considère que l’Initiative du Patronat de
marier 50 jeunes souffre d’insuffisances et qu’elle est peut-être même encensée de « pudeur. »
De mon avis moi, cette initiative qui, -peut-être-, résulte d‘un tâtonnement dans la recherche de
solutions aux problèmes prioritaires des jeunes dont la plupart, -en ordres dispersés-, se tuent sur
les routes dangereuses de l’immigration à la quête de conditions de vies meilleures est une copie à
revoir.
Maintenant la question qui se pose est, si même les candidats à ces « mariages incitatifs » seront
nombreux, comment le Patron des Patrons et les adhérents à l’initiative de son organisation vont-ils
dans la pratique organiser « un contexte légal » qui permettrait de sélectionner les heureux
gagnants ? Sur Quelle base seront-ils choisis ? Dans quels milieux communautaires seront-ils choisis
et sur la base de quels critères seront-ils sélectionnés ?
Même à ces questions il faut peut-être ajouter d’autres ; les mariages subventionnés par le Patronat
seront-ils des contrats CDI (Comptoir de Distribution Informatique) ou CDI (Contrats à durée
indéterminée) ? Dans les deux cas ils ne seront pas bons, parce qu’il faut des mariages contraignants
pour assurer la longévité des couples.
Pour certains, Zeine Ould Abidine, aurait mieux fait si, -au lieu d’injecter ses millions dans la
sexualité juvénile-, il subventionnait 50 familles pour la longévité dans le mariage, pour décourager
les divorces qui se prononcent parfois sans appel, de n’importe quelle manière et en dehors de tout
cadre légal.
Peut-être pour comprendre, dans quel bourbier nos riches veulent tenter de lancer nos pauvres, il
faut peut-être laisser la parole au brillant éditorialiste et Directeur de Publication du journal de
référence le Calame Ahmed Ould Cheikh qui a dit, frappant le fer pendant qu’il est chaud : « Faut-il
applaudir l’initiative, en rire ou en pleurer ? Le problème de notre jeunesse se résume donc, selon
notre patronat éclairé, aux difficultés de se marier. Certes, à chacun ses soucis. Tout comme les
problèmes du peuple se limitent, selon notre gouvernement, au ciment et au poulet ».
A vos choix de mariées. L’Union sacrée sera « prépayée » par d’autres.
Mohamed Ould Chighali
Journaliste indépendant.