Depuis le 26 juillet 2023, le président du Niger Mohamed Bazoum constitutionnellement élu est séquestré dans son palais présidentiel par des soldats de sa garde rapprochée qui ont, sur une saute d’humeur inadmissible, décidé sans aucune forme de procès de prendre le pouvoir.
Au su, au vu de la communauté internationale, et, contre la volonté exprimée par les urnes, un militaire, en « solo » a joué à la destruction de toutes les valeurs morales, politiques et sociales de la démocratie. Et, plus grave encore, parce que simplement il était menacé d’être relevé des fonctions qu’il occupait depuis dix années, dix années d’un rendement médiocre. Et, comme pour dire à la Communauté internationale, aux Nations Unies, à l’Unité Africaine, au G5 Sahel et à la CEDEAO « ce qui se passe ici ne vous regarde pas », cet officier prend le pouvoir créant le plus grand scandale politique dans le pays le plus pauvre de la planète.
Depuis le 26 juillet 2023, ce coup d'État abjecte, un de plus (comme d’autres), s’est traduit par une crise régionale sans précédent. Le 31 juillet, cinq jours après ce coup d’état qui ne suit aucune logique, les dirigeants de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), s’étaient réunis pour fixer un ultimatum à la junte militaire, exigeant la libération immédiate et inconditionnelle du président Bazoum et le retour du pays à l'ordre constitutionnel.
La CEDEAO, un chien qui aboie pendant que la caravane passe ?
Depuis donc le 26 juillet 2023, Mohamed Bazoum président légitime du Niger, sa femme et ses enfants sont séquestrés par une Mafia de militaires qui piétinent la démocratie et éclaboussent les relations du Niger avec la Communauté Internationale, cette communauté qui assure la survie à des millions de nigériens qui vivent sous le seuil le plus bas de la pauvreté.
26 jours, jour pour jour que le président Mohamed Bazoum est fait prisonnier par une junte illégitime et incontrôlable conduite par des amateurs corrompus pour vendre aux enchères à une grande puissance l’avenir politique de leur pays. Et, personne ne réagit vraiment. 56 chefs d’états africains comme hibernés dans l’incapacité d’exiger d’une bande d’ « usurpateurs de pouvoir », la libération d’un chef d’état légitime, malade, séquestré avec sa famille dans un camp Boireau sans eau courante et sans électricité. Personne ! C’est incroyable.
Et, plus incroyable encore, c’est cette idée que les généraux de la CEDEAO ont derrière la tête, de penser que ces petits militaires qui jouent armes à la main aux « dictateurs », vont libérer le président Bazoum et le remettre sur son fauteuil au son de la musique d’honneur militaire.
Bras de fer ou bras de force, un cache-cache au goût dégoutant.
Si les généraux de la CEDEAO ne sont pas intelligents, le général Abdourramane Tiani et ses bérets rouges ne sont pas bêtes. Il est évident que ces militaires savent parfaitement bien que le président, retenu en otage constitue pour eux une précieuse monnaie d’échange qu’ils vont, tôt ou tard, convertir en « concessions » qui leurs seront faites pour rester au pouvoir pour une durée négociée et pour obtenir des allègements des sanctions décidées à leur encontre.
Par ailleurs si les généraux de la CEDEAO ont la mémoire très courte et sont amnésiques, ce qui les a fait peut être oublier l’issue définitive des coups d’Etats survenus en guinée, au Mali et au Burkina Faso, (coups d’Etats qui en définitive ont été tolérés par la CEDEAO pour fait accompli), les preneurs de pouvoir au Niger eux ont la mémoire fraiche et ils refusent de jouer à l’exception qui confirme la règle.
C’est dire donc que la crise entrainée par ce coup d’Etat au Niger, (le septième coup d'État ou tentative de coup d'État perpétré dans le pays) a été dès le départ très mal gérée par la CEDEAO, qui exigeait le retour à l’ordre constitutionnel sans vraiment se soucier des conditions de détention du président légitime du Niger séquestré.
Et, par des allers-et-retours incessants entre Lagos et Niamey, diplomates et militaires ont privilégié la menace d’une intervention militaire plutôt que l’apaisement diplomatique en cherchant avant tout la libération de Mohamed Bazoum et des membres de sa famille. Evidemment que les militaires qui ont pris le pouvoir ne sont pas dupes. Ils savent parfaitement bien que la force de frappe de la CEDEAO n’engagerait aucune opération militaire même chirurgicale de pointe qu’elle puisse être pouvant mettre en danger la vie du président légitime.
C’est pourquoi, d’ailleurs les putschistes ont pris en otage le président Bazoum et c’est pourquoi ils exercent sur lui de très fortes pressions psychologiques pour le contraindre à signer sa démission comme l’avaient faits Jean Marc Kaboré du Faso, Alpha Condé de Guinée et avant ces derniers Sidi Ould Cheikh Abdallahi de Mauritanie.
Ce qu’on doit toujours avoir en mémoire c’est que, les militaires qui prennent le pouvoir et qui prennent les présidents en otage sont conscients que ce sont eux qui auront toujours la précieuse dernière carte à jouer. Et, c’est très souvent cette carte qui leur donne le dessus. Et, c’est en échange de cette carte qu’en général, ils proposent la libération des présidents qu’ils tiennent en otage. Ce qui signifie que le dénouement des crises obéissent à leurs conditions à eux, mais pas ax conditions des fonctionnaires démarcheurs de la CEDEAO qui, dans tous les cas déjà vécus jouent aux prolongations en proférant des menaces qui n’ont aucun effet de dissuasion et aucune chance d’aboutir.
Les généraux de la CEDEAO ne veulent pas se rendre à l‘évidence et comprendre que tous les putschistes quels qu’ils soient qui s’aventurent sur les terrains de renversements de régimes, sont conscients que si leurs tentatives échouent, ou s’ils renoncent au pouvoir ils se retrouveront un jour soit devant une cour martiale soit devant un peloton d’exécution.
Et, c’est toujours pourquoi, ils jouent à la fermeté pour que leurs coups d’état soient en définitive « légalisés » par des accords ou des compromis qui portent parfois sur des durées déterminées au pouvoir, durées dont ils ont besoin pour qu’ils puissent se maintenir plus tard par la voie des urnes. Comme le cas d’école de Ould Abdel Aziz de Mauritanie.
La CEDEAO doit arrêter ses mises en scènes qui ne trompent plus personne.
Même en menaçant par une intervention militaire pour libérer le président Bazoum et pour rétablir l’ordre constitutionnel, la CEDEAO, véritable « tigre en papier », sait parfaitement qu’une intervention militaire dans un pays ne sera ni moins ni plus qu’un déclenchement d’hostilités dont les conséquences seront extrêmement couteuses et pour elle et pour le pays attaqué. Car, il est évident que les putschistes vont se réfugier derrière des boucliers humains, des civils et en en premier, comme bouclier humain de protection le président Bazoum qu’ils ont en otage.
C’est pourquoi d’ailleurs, Tiani, le putschiste qui cherche à entrer dans le club fermé des usurpateurs de pouvoirs de l’Afrique de l’Ouest avait dit je le cite : « si les soldats de la CEDEAO pensent que l’attaque du Niger sera pour eux une ballade de santé, ils se trompent ».
Il a raison, cette attaque ne sera pas un exercice de manœuvre militaire à balles à blancs. Et elle ne sera pas non plus aussi réussie que cette opération spectaculaire de la libération des otages d’Entebbe par les forces spéciales israéliennes en juin 1976.
Alors il ne reste aux militaires de la CEDEAO et aux diplomates des pays de bonne volonté que de négocier la libération de Mohamed Bozoum et des membres de sa famille et qu’ils laissent Abdourrahmane Tiani, ce perturbateur de la cause démocratique de « pacser » avec Mamoudou Doumbiya, Assimi Goïta, Ibrahima Traoré et même s’il veut avec Prigojine.
En tous cas, cela ne fera pas de lui un président légitime mais plutôt un aventurier qui regrettera un jour son geste, un geste qui est allé en contresens du bon sens, comme d’ailleurs sont allés en contresens les avions de combats du Mali et ceux du Burkina Faso qui, au lieu d’aller au fronts attaquer les terroristes qui tuent leurs gendarmes, leurs militaires et leurs policiers, sont allés pour une contre-offensive face aux militaires de la CEDEAO.
Ce qui signifie peut être que les armées de la Guinée, du Mali, du Burkina Faso et du Niger font maintenant front commun pour lutter contre la démocratie au lieu de lutter contre le terrorisme. L’explication est simple. C’est parce qu’ils sont eux aussi des terroristes, des terroristes antidémocratiques.
Ce qui devient quand même inquiétant pour toute la region.
Mohamed Chighali
Journaliste indépendant