POINT DE MIRE : LA CEDEAO de la honte.

mer, 08/23/2023 - 01:00

Depuis le 26 juillet 2023, le président  du Niger Mohamed Bazoum constitutionnellement élu est séquestré dans son  palais présidentiel par des soldats de sa garde rapprochée qui ont, sur une saute d’humeur  inadmissible, décidé sans aucune forme de procès de prendre le pouvoir.

Au su, au vu de la communauté internationale,  et,  contre la volonté exprimée par les urnes, un militaire, en  « solo » a joué  à la destruction de toutes les valeurs morales, politiques et  sociales de la démocratie. Et, plus grave encore,  parce que simplement il était menacé d’être relevé des fonctions qu’il occupait depuis dix années, dix années d’un rendement médiocre. Et, comme pour dire à la Communauté internationale, aux Nations Unies, à l’Unité Africaine, au G5 Sahel et à la CEDEAO « ce qui se passe ici ne vous regarde  pas », cet officier prend le pouvoir créant le plus grand scandale politique dans le pays le plus pauvre de la planète.

Depuis le 26 juillet 2023,  ce coup d'État abjecte,  un  de plus (comme d’autres),  s’est traduit par une crise régionale sans précédent. Le 31 juillet,  cinq jours après ce coup d’état qui ne suit aucune logique,  les dirigeants de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), s’étaient réunis pour fixer  un ultimatum à la junte militaire, exigeant la libération immédiate et inconditionnelle  du président Bazoum et le retour du pays à l'ordre constitutionnel.

 

La CEDEAO, un chien qui aboie  pendant que la caravane passe ?

 

Depuis donc  le 26 juillet 2023, Mohamed Bazoum président légitime du Niger, sa femme et ses enfants sont séquestrés  par une Mafia de militaires qui piétinent la démocratie et éclaboussent les relations du Niger avec la Communauté Internationale, cette communauté qui assure la survie à des millions de nigériens qui vivent sous le seuil le plus bas de la pauvreté.

26 jours, jour  pour jour que le président Mohamed Bazoum est fait prisonnier par une junte illégitime et  incontrôlable conduite par des amateurs corrompus pour  vendre  aux enchères à une grande puissance l’avenir politique  de leur pays. Et,  personne ne réagit vraiment. 56 chefs d’états  africains  comme  hibernés dans l’incapacité d’exiger d’une bande d’ « usurpateurs  de pouvoir »,   la libération d’un chef d’état légitime, malade, séquestré avec sa famille dans un camp Boireau sans eau courante  et sans électricité. Personne ! C’est incroyable.

 

Et, plus incroyable encore,  c’est cette idée que les généraux de la CEDEAO ont derrière la tête,  de penser que ces petits militaires  qui jouent armes à la main aux « dictateurs », vont libérer le président Bazoum  et le remettre sur son fauteuil au son de  la musique d’honneur militaire.

 

Bras de fer ou bras de force, un cache-cache au goût dégoutant.

 

Si les généraux de la CEDEAO ne sont pas intelligents, le général Abdourramane Tiani et ses bérets rouges ne sont pas bêtes. Il est évident que ces militaires  savent parfaitement bien que le président, retenu en otage constitue pour eux une précieuse monnaie d’échange qu’ils vont, tôt ou tard,  convertir  en « concessions » qui  leurs seront faites  pour rester au pouvoir pour une durée négociée  et pour obtenir des allègements des sanctions  décidées à leur encontre.

Par ailleurs  si les généraux de la CEDEAO ont la mémoire très courte et sont amnésiques, ce qui les  a fait peut être oublier l’issue définitive  des coups d’Etats survenus  en guinée, au Mali et au Burkina Faso, (coups d’Etats  qui en définitive  ont été tolérés par la CEDEAO pour fait accompli), les preneurs de pouvoir au Niger eux ont la mémoire fraiche et ils  refusent  de jouer à l’exception qui confirme la règle.

C’est dire donc que la crise entrainée par ce coup d’Etat au Niger, (le septième coup d'État ou tentative de coup d'État perpétré dans le pays) a été dès le départ très mal gérée par la CEDEAO, qui exigeait le retour à l’ordre constitutionnel sans vraiment se soucier des conditions de détention du président légitime du Niger séquestré.

Et, par des allers-et-retours incessants entre Lagos et Niamey, diplomates et militaires ont privilégié la menace d’une intervention militaire plutôt que  l’apaisement  diplomatique en cherchant  avant tout la libération de Mohamed Bazoum et des membres de sa famille. Evidemment que les militaires qui ont pris le pouvoir ne sont pas dupes. Ils savent parfaitement bien que la force de frappe de la  CEDEAO n’engagerait aucune opération militaire même chirurgicale de pointe qu’elle puisse être  pouvant mettre en danger la vie du président légitime.

C’est pourquoi, d’ailleurs les putschistes ont pris en otage le président Bazoum et c’est pourquoi  ils exercent  sur lui de très fortes pressions psychologiques pour le contraindre à  signer sa démission comme l’avaient faits Jean Marc Kaboré  du Faso, Alpha Condé de Guinée et avant ces derniers  Sidi Ould Cheikh Abdallahi de Mauritanie.

Ce qu’on doit toujours avoir en mémoire c’est que, les militaires qui prennent le pouvoir et qui prennent  les présidents  en otage sont conscients  que ce sont eux qui auront toujours la précieuse dernière  carte à jouer. Et, c’est très souvent cette carte qui leur donne le dessus. Et, c’est en échange de cette carte qu’en général,  ils  proposent la libération des présidents qu’ils tiennent en otage. Ce qui signifie que le dénouement des crises obéissent à  leurs conditions  à eux, mais pas ax  conditions  des  fonctionnaires  démarcheurs de la CEDEAO qui, dans tous les cas déjà vécus jouent aux prolongations en  proférant des menaces qui n’ont aucun effet de dissuasion et aucune  chance d’aboutir.

 

Les généraux de la CEDEAO ne veulent pas se rendre à l‘évidence et comprendre que tous  les putschistes quels  qu’ils soient qui   s’aventurent sur les terrains de renversements de régimes, sont conscients que si leurs tentatives échouent, ou s’ils renoncent au pouvoir ils  se retrouveront  un jour  soit devant une cour martiale soit devant un peloton d’exécution.

Et, c’est  toujours  pourquoi,  ils jouent  à la fermeté   pour que leurs coups d’état soient en définitive « légalisés » par des accords ou des compromis qui  portent  parfois sur des durées déterminées au pouvoir, durées dont ils ont besoin pour qu’ils  puissent se maintenir   plus tard par la voie des urnes. Comme le cas d’école de Ould Abdel Aziz de Mauritanie.

 

La CEDEAO doit arrêter ses mises en scènes qui ne trompent plus personne.

 

Même en menaçant par une intervention militaire pour libérer le président Bazoum et pour rétablir l’ordre constitutionnel, la CEDEAO, véritable « tigre en papier », sait parfaitement qu’une intervention militaire dans un pays  ne sera ni moins ni plus qu’un déclenchement d’hostilités dont les conséquences seront extrêmement couteuses et pour elle et pour le pays attaqué. Car, il est évident  que les putschistes vont se réfugier derrière des boucliers humains, des  civils et  en en premier, comme bouclier humain de protection  le président Bazoum qu’ils ont en otage.

C’est pourquoi d’ailleurs, Tiani, le putschiste qui cherche à entrer dans le club  fermé des usurpateurs de pouvoirs de l’Afrique de l’Ouest avait dit  je le cite : « si les soldats de la CEDEAO pensent que l’attaque du Niger sera pour eux une ballade de santé, ils se trompent ».

Il a raison, cette attaque ne sera pas un exercice de manœuvre militaire à balles à blancs. Et elle ne sera pas non plus aussi réussie que cette opération spectaculaire de la libération des otages d’Entebbe par les forces spéciales israéliennes en juin 1976.

Alors il  ne reste aux militaires de la CEDEAO et aux diplomates  des pays de bonne volonté que de négocier la libération de Mohamed Bozoum et des membres de sa famille et qu’ils laissent Abdourrahmane Tiani,  ce perturbateur de la cause démocratique de « pacser » avec Mamoudou Doumbiya, Assimi Goïta, Ibrahima Traoré et même s’il veut avec Prigojine.

En tous cas, cela ne fera pas de lui un président légitime mais plutôt un aventurier qui regrettera un jour son geste, un geste  qui est allé en contresens du bon sens, comme d’ailleurs sont allés en contresens les avions de combats du Mali et ceux  du Burkina Faso  qui, au  lieu d’aller au fronts attaquer les terroristes qui tuent leurs gendarmes, leurs militaires et leurs policiers, sont allés  pour une contre-offensive face aux militaires de la CEDEAO.

Ce qui signifie  peut être que les armées de  la Guinée, du Mali, du Burkina Faso et du Niger font maintenant front commun pour lutter contre la démocratie au lieu de lutter contre le terrorisme. L’explication est simple. C’est parce qu’ils sont eux aussi des terroristes,  des terroristes antidémocratiques.

Ce qui devient  quand même inquiétant pour toute la region.

Mohamed Chighali

Journaliste indépendant