Les islamistes obtiennent d’IBK la tète de Soumeylou Boubèye Maïga

ven, 04/19/2019 - 13:57

Les critiques virulentes contre Soumeylou Boubèye Maïga, venues des religieux, ont forcé le président malien IBK à évincer son Premier ministre. Une chronique de Bacary Camara

La dénonciation de l’action du chef de gouvernement malien Soumeylou Boubeye Maïga, qui vient de démissionner, étaient devenues un fonds de commerce prisé par une aristocratie musulmane. Les deux principales figures de l’Isllam malien, le tonitruant Chérif de Nioro et le malicieux Mahmoud Dicko, président du haut conseil islamique, exigeaient sa tète. Ils l’ont obtenu, le président malien IBK a cédé devant les mobilisations fomentées par les leaders religieux..

Des ambitions désormais affichées

Le mandat de l’imam Dicko à la tête de cette respectable institution islamique prendra fin ce 21 avril, date de nouvelles élections, auxquelles il sera plus candidat. Avant cette date fatidique, Mahmoud Dicko et ses partisans ont déjà annoncé les couleurs : « L’imam Dicko ne parlera plus au nom du Haut conseil islamique du Mali, mais il parlera, en tant que musulman au nom de tous les musulmans. Du coup, le bureau qui sera mis en place à l’issue du congrès des 20 et 21 avril n’engage aucunement ceux qui se reconnaissent dans le leadership de Mahmoud Dicko et le grand Cherif de Nioro. »

Ce message a au moins ce mérite d’être clair et promet encore de rudes batailles, contre le premier ministre Soumeylou Boubeye Maiga. Tout le monde se souvient du puissant rôle qu’il a joué dans la réélection d’IBK et la défaite à plate couture d’Alou Boubacar Diallo, ce « candidat-fantôme » choisi et soutenu par les deux dignitaires religieux. Qu’on le veuille ou pas, Boubèye  Maïga reste à maints égards une grande personnalité politique intelligente et pragmatique, qui dispose de ressources intellectuelles et psychologiques nécessaires, pour s’offrir dans les mois et années  à venir un vrai destin national. Au lendemain des élections présidentielles (principale pomme de discorde entre le camp présidentiel et l’opposition malienne), Il existe désormais, selon certains observateurs politiques, « un mythe Boubeye », ce sésame indispensable pour crédibiliser sa candidature et  fédérer autour de sa personne, tout un écosystème affectif et électoral.

Des doléances populaires manipulées

Sur un plan global, les querelles doctrinales et idéologiques qui traversent le champ religieux ne fait plus de cette communauté une véritable force politique capable de proposer un projet politique unitaire et cohérent. Et pour cause, le célèbre prédicateur, Cherif Ousmane Madani Haidara, dont les prêches mobilisent de milliers de fidèles au Stade du 26 mars (60000places) reste attaché à un islam traditionaliste, tolérant, laïc. Quant à Mahmoud Dicko, l’imam de la grande mosquée de Badalabougou,( un quartier de la capitale)il est plutôt le chantre  d’un islam réformiste Wahabite, rigoriste, c’est-à-dire très peu compatible avec nos anciennes traditions et valeurs sociétales.  Ses prêches souvent enflammées, les rapprochent souvent de celles des Islamistes, à commencer par le chef du groupe terroriste Ancardine  d’Yad Ag Ghali, dont le principal combat est de créer une république Islamique au Mali.

Des relations incestueuses

Au regard du climat sociopolitique, marqué par des crises sociales à répétition, il existe une relation presque incestueuse, entre ce courant religieux, islamiste incarné par Mahmoud Dicko et certains leaders politiques de l’opposition. Aux yeux d’un marxiste-lambda, la marche du vendredi  5 avril dernier, qui avait pourtant mobilisé de milliers de personnes   n’avait  cependant  rien de « révolutionnaire », mais tout  simplement la manifestation d’un vrai sentiment de révolte populaire, contre la cherté de la vie, l’insatisfaction des besoins primaires des citoyens.

Mais attention au « mélange des genres »( ce sport favori de ces dignitaires religieux), car ces milliers de marcheurs confrontés aux pires tourments de la survie quotidienne n’ont absolument rien en commun avec Mahmoud Dicko, ce riche dignitaire religieux. Il n’est plus rare de compter dans un seul quartier de la capitale malienne plus d’une trentaine de mosquées construites avec des fonds dont personne ne connait la provenance.

La main tendue de Soumaila Cissé, candidat malheureux aux dernières élections présidentielles, au président IBK peut conduire, maintenant que le Premier ministre est parti, à de nouvelles alliances. Avec quelle place pour les dignitaires religieux? C’est là la question la plus décisive pour l’avenir du Mali.

 

Mondeafrique