Entretien avec l’ancien capitaine Breika M’Bareck Varaji, ancien chef militaire et politique

jeu, 03/15/2018 - 15:32

Pour l'ancien capitaine Breika M’Bareck Varaji, ancien chef militaire et politique, "Pour que les conditions soient réunies pour organiser des scrutins inclusifs, crédibles et transparents, la mise en place d’une C.E.N.I consensuelle est indispensable". Entretien.

Le Calame : La scène politique s’agit au fur et à mesure que les élections locales de 2018 et la présidentielle de 2019 s’approchent. Comment appréhendez-vous ces échéances qui doivent consacrer une alternance en 2019 ? 

Breika M’Bareck : Je suis bien sûr préoccupé quand je vois des ministres, des Secrétaires généraux, des députés, l’administration aux premières loges pour préparer les adhésions de l’UPR ce qui montre à l’évidence la grande inquiétude face aux prochaines échéances. Et qui envoie un signal fort et nouveau dans le changement de stratégie pour le pouvoir afin de rester le maître du jeu.

Cette offensive pour remporter les élections 2018 en employant tous les moyens ne permettra pas d’élire des députés, des maires, des conseillers régionaux à la hauteur du défi du moment. En ce qui concerne l’alternance 2019, il s’agit d’un défi majeur pour notre pays et je souhaite que le Président Mohamed O. Abdel Aziz organise de façon exemplaire cette échéance capitale.

Connaissant l’Homme, l’Officier et le Patriote, j’a n’ai aucune inquiétude à ce que cela se passe très bien. 

Le 3e mandat pour le président Mohamed Ould Abel Aziz a longtemps été une fixation pour aussi bien ses soutiens que pour l’opposition surtout. Pensez-vous que le président Aziz a désormais toutes supputations avec sa sortie récente dans Jeune Afrique dans laquelle il a réaffirmé qu’il ne modifiait pas la constitution pour briguer un 3éme mandat, comme le souhaitent certains de ses soutiens ? 

S’agissant du 3ème mandat, je me contenterais de la déclaration solennelle du Président Mohamed O Abdel Aziz au Palais des Congrès lors de la clôture du dernier dialogue. Toutefois, la région sahélienne est de celle dont on ne parle qu’au gré des crises qui la traversent régulièrement, crises alimentaires, politiques, violences ethniques ou tribales, opposition entre nomades et sédentaires, criminalité de droit commun, mais aussi conflit armée.

C’est pourquoi le Président Mohamed O Abdel Aziz doit tenir compte de tout cet environnement. A mon avis il reste au Président la possibilité de se concerter avec les acteurs politiques notamment ceux qui sont restés aux côtés de la Mauritanie au moment où elle en avait besoin.

Notre pays s’est préservé des convulsions provoquées par le printemps arabe. Pendant l’absence du Président Mohamed O. Abdel Aziz, ils se sont mobilisés pour rassurer les populations. Le Président Messaoud O. Boulkheir est monté en 1ère ligne afin de faire passer un message pour consolider l’unité nationale et renforcer la cohésion sociale et maintenir la paix civile.

Pensez-vous que les conditions pour des scrutins inclusifs, crédibles et transparents sont aujourd’hui réunies ou peuvent être réunies d’ici les échéances à venir pour que l’opposition qui le réclame puisse ne pas les boycotter? Quel message adressez-vous aux acteurs politiques du pays pour éviter des lendemains d’élections contestées? 

Pour que les conditions soient réunies pour organiser des scrutins inclusifs, crédibles et transparents, la mise en place de la C.E.N.I est indispensable. 

Cette C.E.N.I doit être consensuelle, le dernier dialogue a prévu que la majorité et l’opposition proposent chacune 11 membres soit au total 22 pour enfin de compte n’en choisir que 11. Pour rassurer les uns et les autres et faire preuve de bonne volonté, l’opposition dialoguiste doit proposer 5 et la majorité 6 soit 11 membres définitivement choisis.

Le message que je peux adresser à tous les acteurs politiques est d’éviter de boycotter les élections 2018 (municipales, régionales et législatives). Le dernier boycott a donné au pays l’une des plus mauvaises assemblées nationales de son histoire. 

Le Mouvement El Hor a célébré son 40e anniversaire, le 5 mars. Quelle appréciation vous faites de ce Mouvement à la naissance duquel vous avez participé ?

Le mouvement « El Hor » (organisation pour l’émancipation des Haratines) a à son actif l’ordonnance 81 – 234 promulguée par le gouvernement de Mohamed Khouna O. Haidalla.

C’est l’occasion pour moi de rendre un vibrant hommage à l’action de tous les membres fondateurs d’El Hor, à la coordination régionale du Nord, la conscience Haratine, SOS esclaves, à l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA), le flambeau de la liberté au manifeste pour les droits économiques et sociaux des haratines. 

Un hommage particulier pour le combat des grands leaders membres fondateurs d’El Hor, président des partis politiques Action pour le changement (AC) puis l’Alliance populaire progressiste (APP) qui n’a jamais dévié de la ligne directrice pour le combat d’El Hor depuis sa création, le Président Messaoud O. Boulkheir. 

Un vibrant hommage également : Feu Mohamed Saïd O. Hamody, ambassadeur, ancien président de la C.N.D.H qui eu le courage d’être à la tête du manifeste pour les droits économiques et sociaux des haratines. Aujourd’hui, compte tenu de mon humble expérience, l’heure n’est les plus aux commémorations, car l’émancipation a fait un grand pas ainsi que la sensibilisation de tous les mauritaniens.

Le combat devient politique, démocratique, économique et social, car il faut combattre ce qui reste de l’esclavage, les séquelles de l’esclavage et les pratique esclavagistes. 

Etant donné qu’il existe des partis politiques, il faut soutenir le parti politique qui le plus à même de terminer de combat. Car les haratines sont inexistants économiquement, peu représentés dans les sphères de l’Etat, faibles sur le plan éducationnel, avec une grande faiblesse de la couverture sanitaire. Personnellement, je pense qu’une alliance avec le parti de Messaoud O. Boulkheir pourrait être l’ébauche de solutions à tous ces problèmes

Je propose au gouvernement de désigner un responsable plénipotentiaire pour permettre à la Mauritanie de rompre définitivement avec cette tare. 

L’opposition et de nombreux civils estiment que les militaires qui régentent le pays depuis 1978 doivent quitter l’arène politique pour se consacrer à leur mission principale, à savoir, la protection des frontières du pays. Qu’en pense l’ancien officier que vous êtes? 

-Avant de répondre à votre question concernant les militaires qui régentent le pays depuis 1978 dites-vous, je signale que dans tout appareil d’Etat, l’Armée est bien l’institution dont l’analyse et la compréhension relèvent par excellence de l’analyse géopolitique ; c'est-à-dire de la démarche qui permet de mieux comprendre les rivalités des pouvoirs sur des territoires.

C’est en effet principalement, par leurs armées que les Etats se disputent des contrées ou exercent leur domination à l’extérieur de leurs frontières. Quant à la Nation, c’est une idée fondamentalement géopolitique puisqu’il n’y a pas nation sans territoire et, pour ce qui est des rivalités de pouvoir, il n’est pas de nation qui au cours de son histoire n’a pas eu à subir ou à combattre quelques pouvoirs étrangers. 

Aussi, pour toute nation, l’armée a-t-elle une grande importance autant matérielle que symbolique, et ce d’autant plus que le contexte géopolitique est dangereux. 

Dans la seconde moitié du XIX ème siècle dans de nombreux Etats d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine , l’armée a pris le pouvoir, c’est pourquoi, il est toujours nécessaire de mettre les acteurs politiques devant leurs responsabilités et recréer dans le cadre d’un dialogue sans a priori ni exclusive, et sans plaidoyer corporatiste une véritable proximité des militaires avec les citoyens qui mesurent difficilement les enjeux d’un domaine qui leur est tout sauf familier, mais il faut également que notre personnel politique consente à monter plu d’intérêt et de respect pour l’institution des forces armées et de sécurité qui n’est pas qu’un héritage vaguement désuet de l’histoire, dont on ferait bien d’ailleurs de se rappeler les leçons.

Pour répondre à votre question, sachez que les forces armées et de sécurité mauritaniennes forment un bloc d’hommes de troupe, de sous-officiers et d’officiers de grande valeur et ils ont eu à le prouver sur tous les théâtres d’opération. Ils doivent être respectés et admirés pour les sacrifices consentis chaque jour pour l’intérêt de la Patrie.

Ils font partie de la solution politique en Mauritanie. La classe politique et le corps social doivent créer un climat serein pour la stabilité, le renforcement de la démocratie, la cohésion sociale dont les forces armées et de sécurité sont garantes.

La défense est l’affaire de tous. Elle n’est pas un sujet politicien, mais le véritable fondement de la politique de la Nation. Nous vivons dans une société qui est entrain, sous l’inversion démographique en cours, de donner la priorité à l’impératif de sécurité face à la délinquance et à la menace terroriste. 

La disparition du militaire de paysage sociétal s’inscrit dans le primat de l’intérêt individuel sur l’intérêt collectif. Une société sans armée est une nation sans politique.

Propos recueillis par DL 

 

Le Calame