
Plus de 10 400 migrants sont morts ou ont disparu en mer en tentant de rejoindre l'Espagne en 2024. La route la plus meurtrière au monde est la route Atlantique qui relie le Sénégal, la Mauritanie ou le Maroc aux îles Canaries. Elle comptabilise près de 95% des victimes de cette année, selon un rapport publié jeudi 26 décembre par l'ONG espagnole Caminando Fronteras. Plus de 400 femmes et 1 500 enfants sont morts dans cette traversée. Des chiffres hors norme qui font de 2024 l'année la plus meurtrière jamais enregistrée.
À elle seule, la traversée au départ de la Mauritanie vers les Canaries a fait autant de morts que l'ensemble des routes de l'immigration en 2023. Sur les embarcations de fortune, on retrouve principalement des personnes originaires du Sahel, qui fuient aussi bien la guerre que les conséquences du changement climatique ou les violences d'une région hostile.
En 2024, il y a eu près de 30 morts par jour, entre janvier et le 15 décembre, sur les différentes routes migratoires vers l'Espagne, soit 10 400 victimes au total selon l'ONG Caminando Fronteras pour qui plus d’un migrant sur 5 a payé de sa vie cette périlleuse traversée. Ces personnes étaient originaires d'au moins 28 pays, principalement d'Afrique de l'Ouest, mais aussi du Pakistan ou du Yémen. Le nombre de décès en 2024 est 58% supérieur à celui enregistré par l'ONG espagnole Caminando Fronteras l'année précédente ; elle recensait 6 618 migrants morts ou disparus sur les routes migratoires vers l'Espagne en 2023.
Le nombre de morts en mer a doublé en un an
Selon cette ONG, si le nombre de morts a quasiment doublé cette année, c'est surtout en raison de la négligence du devoir de sauvetage. Des chiffres qui traduisent donc un fait : les pays priorisent le contrôle migratoire au droit à la vie. L'ONG pointe aussi l'utilisation d'embarcations précaires, des départs dans des conditions météo défavorables, le manque de vivres ou encore d'équipements de navigation.
Les départs de la Mauritanie vers les Canaries n'ont pas cessé, même lors des périodes pendant lesquelles les conditions météorologiques étaient extrêmement difficiles. Les naufrages réguliers ne découragent pas les passeurs, d'autant plus que cette route est moins surveillée que les autres.
Les entrées illégales ont elles aussi augmenté
Selon le ministère de l'Intérieur espagnol, 62 054 ont réussi à entrer illégalement en Espagne en 2024, par voie terrestre ou maritime. Ce n’est pas loin du chiffre des arrivées en 2018 qui constitue un record pour la péninsule ibérique - 64 298 personnes.
Parmi ces personnes, au moins 43 737 ont accosté dans l'archipel des Canaries entre janvier et la mi-décembre, contre 36 888 sur l'ensemble de l'année 2023, soit une hausse de 18,6%. Ces arrivées massives ont poussé les autorités des Canaries à tirer la sonnette d'alarme, en se disant notamment incapables de gérer l'afflux de mineurs non accompagnés qu'elles doivent prendre en charge dans des centres d'accueil. Aux Canaries, l'île du Hierro reçoit le plus grand nombre de migrants. L’essentiel de ceux qui tentent leur chance sont des Maliens, suivis de Sénégalais. Une nouvelle route de l'immigration se précise, c’est la route dite « algérienne », en très forte augmentation, à destination des îles Baléares.
Le gouvernement de Pedro Sanchez ne cache pas ses positions pro-immigration, souligne notre correspondant à Madrid, François Musseau. Le Premier ministre espagnol affirme que l’Espagne est un pays vieillissant et que l’économie a besoin de bras. À la mi-novembre 2024, il a d’ailleurs régularisé des dizaines de milliers de personnes sans-papiers. Seul le parti d’extrême droite Vox s’oppose à ces légalisations massives. Pour le reste, le grand sujet polémique est celui des migrants de moins de 18 ans. Ils sont des milliers et la plupart des régions refusent de les accueillir, ce qui engendre une saturation des centres de mineurs aux Canaries.
Entre 2014 et 2024, plus de 16 400 migrants sont morts ou ont disparu en Afrique, d'après l'agence de l'ONU pour les migrations (OIM). Ce chiffre inclut les décès lors de traversées vers les Canaries, mais aussi ceux dans le désert du Sahara.
RFI-Afrique