Oulémas, vous réclamez la peine de mort pour qui ? Par Pr ELY Mustapha

ven, 06/18/2021 - 19:36

 Le criminel n'est pas celui que l'on ...voit

C'est une criminalité dont les auteurs sont invisibles car ce sont des criminels en col blanc, qui se retrouvent au gouvernement, dans la police et dans la justice. Les premiers volant et détournant, les seconds sévissant et réprimant, les derniers jugeant et condamnant. Et tous fonctionnent à l’énergie de la corruption.

Ceux qui reçoivent la peine, ce sont ces auteurs visibles des crimes, bourreaux, qu’ils ont forgés à la misère, l’ignorance et le désespoir et qu’ils envoient en jugement et au peloton d’exécution. Lorsque le bourreau sera fusillé conformément aux dispositions du Code Pénal.

Et au moment où le peloton d’exécution déchargera sur lui ses munitions, il s’effondrera… Mais le médecin légiste qui se penchera sur lui pour constater sa mort ne pourra pas constater que les vrais criminels sont toujours vivants et que celui que l’on vient de fusiller n’était autre qu’un bourreau. Leur créature.

Ceux qui ont tué toutes les "Khadijetou Sow" sont nombreux, courent toujours et n’ont jamais été inquiétés. Et probablement, ne le seront-ils jamais et jamais justice ne sera rendue.

Il ne passe pas un jour sans que les viols, les agressions, les crimes en tout genre secouent la société mauritanienne. Une société qui vit dans la peur et la criminalité.

Une "Khadijetou Sow" est violée et tuée tous les jours en Mauritanie. Et ce qui se sait, et ce qui est porté à la connaissance du public et de la Justice, n’est qu’une infime partie de la criminalité qui a pris une ampleur telle, que les victimes des atrocités, tous âges confondus, sont devenues « un fait divers », un quotidien.

Cette créature condamnée à la peine capitale n’est que le bourreau qui exécute les basses œuvres, et qui tout en méritant son sort, ne saurait pourtant dénoncer ses commanditaires, ceux qui l’ont préparé à cela, mis dans des conditions d’exécution de son crime et l’ont armé pour tuer.

Lorsqu’ils envoient les délinquants arrêtés, pour la circonstance, à la peine capitale, ils savent qu’ils ne sont que le bras du crime. Une main exécutrice de bases œuvres. Mais pire encore, ce bras sanglant, ils l’ont démultiplié par milliers, violant, tuant, brûlant et ôtant des vies de familles entières.

Ils l'ont armé en la privant d'éducation, d'emploi, de ressources, de dignité et l'ont jeté sur les chemins de la drogue et de la délinquance.

Ceux qui ont vendu les écoles, détourné les budgets de l’éducation, de la santé (physique et mentale) de la culture de l’emploi qui ont fait du pays une passoire de la drogue, sont ceux-là même les vrais criminels...

En effet, la mort physique d’un pauvre hère, violeur, assouvira certes une vengeance, une haine familiale mais ne mettra pas fin à la criminalité. Et ce sera toujours et encore les viols, les crimes et les horreurs.

Commis par des criminels que l'on "forme" dans les ministères, dans les budgets, dans les coulisses d’un pouvoir qui a défaut de sanctionner les véritables criminels qui peuplent sa galerie de sinistres personnages, les recycle, à tour de bras, dans les postes de responsabilité et s’en prend à une jeunesse délinquante qu’il a lui-même créée par ses actes.

Alors que des oulémas viennent réclamer la peine de mort pour une jeunesse délinquante qu’une police impotente a pu coffrer, pour calmer les tensions, cela prouve, encore une fois, l’inconséquence de ces oulémas qui confondent, par manque de rationalité, les causes et les effets. Le bourreau et son commanditaire.

A-t-on vu ces oulémas s’en prendre aux causes qui ont jeté, durant des dizaines d’années toute une jeunesse dans la délinquance ?

Ont-ils dénoncé depuis tant d’années de mauvaise gouvernance, les détournements, la corruption, les malversations, les injustices, les vols, les crimes économiques et financiers le népotisme criminel, le tribalisme dévastateur, les marchés publics pipés et les violences politiques, économiques et sociales des régimes successifs?

Non. Aujourd’hui, ils viennent marcher pour qu’on tue. Comme si la religion n’avait de rationalité que le meurtre et qu’elle ignore l’intelligence.

Pauvre pays meurtri, pauvre jeunesse avilie.

Religion de circonstance, violence de tous les jours.

Pr ELY Mustapha
 

Cridem